Conflit au Proche-Orient : L’Iran peut-il lâcher le Hezbollah libanais malgré leurs « liens indéboulonnables » ?SportuneBébés et MamansMinutes Maison
Le , c’est un peu « l’enfant de la République islamique », illustre Amélie Myriam Chelly, iranologue, chercheuse à la Sorbonne Nouvelle et auteure du Coran de sang (éditions du Cerf). Pourtant, malgré l’opération des talkies-walkie et bipeurs attribuée à Israël, malgré vendredi et malgré l’incursion de troupes israéliennes sur le sol libanais, Téhéran n’a pas encore répliqué. De là à imaginer que l’ pourrait lâcher le Hezbollah ?
Aucun des spécialistes que nous avons contactés n’imagine une rupture entre les deux. « Le Hezbollah, c’est l’atout majeur de l’axe de résistance contre l’Etat hébreu », rappelle Didier Leroy, chercheur à l’école royale militaire de Belgique. « C’est l’Iran qui l’a financé, entraîné, armé, le chef du groupe paramilitaire est choisi par Téhéran », insiste également Thierry Coville, chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran. Des liens « indéboulonnables » les unissent, ajoute le chercheur belge, et ce « pour plein de raisons, en premier lieu les raisons idéologique et structurelle », précise Amélie Myriam Chelly.
Historiquement, c’est bien l’Iran qui a créé le Hezbollah au début des années 1980 pour résister à l’occupation israélienne au . Téhéran s’en est alors servi afin d’exporter et de porter l’idéologie de la République islamique hors de ses frontières. C’est non seulement la pionnière des milices chiites soutenues par l’Iran, mais c’est aussi « la plus armée, la plus représentative », souligne Amélie Myriam Chelly. Cette connexion idéologique s’appuie en outre sur des liens très forts sur le plan religieux, l’Iran et le Hezbollah étant les fers de lance de la communauté dans la région.
Peser le pour et le contre avant de répliquer
Mais alors, comment expliquer que , un coup très dur politiquement et symboliquement porté au Hezbollah, n’ait pas encore fait réagir Téhéran ? Les autorités iraniennes ont bien juré de venger cette mort ainsi que celle d’un général iranien tué aux côtés du chef du mouvement, mais avant d’agir, « ils préfèrent réfléchir », note Thierry Coville.
Les attaques récentes d’Israël, notamment la (que Tel-Aviv n’a pas commentée) a en outre mis en lumière de graves failles sécuritaires du côté iranien ainsi que l’aptitude des services de renseignement israéliens pour infiltrer le Hezbollah. Une réponse numérique, envisagée un temps, selon Amélie Chelly, a donc été mise en suspens « en attendant d’être assuré qu’elle puisse se dérouler sans danger ».
De même concernant une réplique purement militaire. L’Iran et le Hezbollah ont des capacités matérielles de qualité et en quantité. Mais avant d’y toucher « il faut être sûr qu’Israël ne pourra pas interférer », note Didier Leroy.
Des capacités de nuisance importantes
Une guerre directe et ouverte avec Israël n’est sans doute pas le meilleur moyen pour le régime iranien de se maintenir. D’une part, elle ne serait pas soutenue par la population qui scande à chaque manifestation ce slogan : « ». D’autre part, l’Iran n’a sans doute pas les capacités aériennes et militaires pour affronter directement Israël et surtout son allié indéfectible, les .
Téhéran a toutefois des possibilités de nuisance. D’abord à travers ses comme le Hezbollah, « qui n’a pas perdu une part significative de son arsenal », pointe Didier Leroy, mais aussi les du Yémen ou les milices chiites irakiennes. En revanche, l’Iran ne pourra pas compter sur les paramilitaires syriens, lâché par un pourtant redevable. Le dictateur syrien ne peut en effet envisager de soutenir indirectement le à travers un appui au Hezbollah, car le groupe islamiste palestinien est composé de frères musulmans… qui forment le vivier de ses propres ennemis en interne, relève Amélie Chelly.
C’est sans compter sur son « arsenal balistique très important doté de missiles, roquettes et drones, particulièrement dangereux pour Israël et qui, s’ils sont lancés simultanément, peuvent noyer le système de défense antiaérien israélien, pourtant singulièrement perfectionné », prévient Didier Leroy. Et d’ajouter : « Oui, Israël peut infliger des dégâts considérables à l’Iran, mais si l’armée iranienne déploie tout son arsenal plus ses milices, des projectiles passeront et des bombes d’une demi-tonne peuvent éventrer des immeubles en plein Tel-Aviv ».
En revanche, le chercheur écarte l’hypothèse d’un tournant nucléaire du conflit. D’abord parce que si l’Iran parvient un jour à s’armer de la bombe atomique, Israël la possède déjà (même s’il ne l’a jamais officialisé). Surtout, parce que « ce serait un comble de la part de la République islamique d’Iran de balancer une sur le troisième lieu le plus saint de l’Islam, à savoir Jérusalem ».