Attaque du 7 octobre : « C’est une sorte de 11-Septembre israélien, mais en pire »SportuneBébés et MamansMinutes Maison

Il y a un an, une attaque inédite était déployée par le au sud d’Israël. Près de 1.200 personnes étaient tuées ce jour-là, dont 364 participaient au . Ces derniers jours, au 1er octobre, on estimait qu’une centaine d’ sont encore retenus par le mouvement de la Résistance Islamique dans la bande de Gaza.

A l’heure de commémorer le premier anniversaire de cet événement qui marque un tournant dans le conflit israélo-palestinien, Vincent Lemire, professeur en histoire contemporaine à l’université Gustave Eiffel à Paris, répond aux questions de 20 Minutes.

Portrait de Vincent Lemire a Paris en septembre 2022.  - © Ph. MATSAS /

Peut-on dire que l’attaque du 7 octobre est le pire jour de l’histoire d’Israël depuis sa proclamation en 1948 ?

Oui, sans aucun doute, car il n’existe aucun précédent comparable. Avec 1.200 morts en une seule journée, c’est le jour le plus noir et le plus meurtrier depuis la création d’Israël. Rappelons que cette attaque terroriste est une incursion à l’intérieur même du territoire israélien, l’attaque n’a pas lieu dans les territoires occupés.

C’est une sorte de israélien mais en pire, car il s’agit d’un « attentat de longue durée ». Au soir du 11 septembre 2011 aux Etats-Unis, c’était apocalyptique mais tout était fini : les deux tours étaient tombées. Alors qu’Israël se réveille le 8 octobre 2023 avec 250 otages. Donc d’une certaine manière, tout commence.

Diriez-vous que cette attaque a modifié la nature du conflit israélo-palestinien ou accéléré son degré de violence ?

L’attaque du 7 octobre a ouvert un nouveau chapitre du conflit : celui de la guerre existentielle, lorsque les deux parties considèrent que c’est leur existence même qui est en jeu. Bien sûr, ce moment est relié à ce qui précède, mais il est aussi singulier.

Je m’explique : de la fin du XIXe siècle à 1917, c’est l’émergence de deux projets nationaux concurrents. Puis de 1917 à 1947, ce sont des affrontements sporadiques sous tutelle internationale. Puis de 1947 à 1987, ce sont les guerres israélo-arabes, des guerres conventionnelles entre États. Elles restent sous contrôle car elles sont ponctuées de cessez-le-feu, voire de traités de paix. Enfin, de 1987 à 2017, on assiste à une alternance de soulèvements palestiniens (intifadas) et de négociations, avec notamment le processus de paix d’Oslo, lancé en 1991 et dont la dernière grande conférence a lieu à Annapolis en 2007. Depuis, la situation ne cesse d’empirer. Et le 7 octobre 2023, nous avons basculé dans autre chose, chacun se battant pour son existence.

Le constat d’un échec de la mise en sécurité de la population d’Israël par Benyamin Netanyahou peut-il remettre en cause son leadership ?

L’enjeu de la sécurité est fondateur dans l’histoire de l’État d’Israël, créé pour mettre en sécurité les juifs de la diaspora menacés par l’antisémitisme. C’est ce qui justifie le projet sioniste, donc la création de cet État.

Mais après une année très dense en événements tragiques, ce constat de défaillance de Benyamin Netanyahou a été en partie occulté. Et c’est bien le pari du Premier ministre : se maintenir au pouvoir en provoquant des événements miroirs pour recouvrir le traumatisme du 7 octobre, et d’une certaine façon l’absoudre. Pour l’instant, il est gagnant dans cette fuite en avant, puisque sa cote de popularité est remontée dans les sondages.

Que sait-on des défaillances sécuritaires un an après l’attaque ?

Ce n’est pas seulement Benyamin Netanyahou qui a failli mais aussi tout son gouvernement. Son ministre Bezalel Smotrich, responsable de l’économie et des implantations en Cisjordanie, avait obtenu quelques semaines avant l’attaque le déplacement de plusieurs milliers de soldats des alentours de la bande de Gaza vers la Cisjordanie. Son objectif était de protéger les colons qui se livraient alors à des exactions contre les civils palestiniens.

Ces soldats ont manqué au moment de l’attaque du 7 octobre. C’est la raison pour laquelle, en plus d’une faille sécuritaire, comme on l’a beaucoup dit, c’est aussi un aveuglement stratégique plus global qui s’est fait au détriment des citoyens Israéliens.

Il faut aussi souligner que les enquêtes qui avaient commencé à être diligentées après le 7 octobre sont pour l’instant suspendues. Ni les observateurs internationaux, ni les citoyens, ni les journalistes israéliens n’ont accès à des informations fiables pour expliquer un tel fiasco, sécuritaire et stratégique.

On voit que l’extension du conflit a commencé. Est-ce cela que recherche Benyamin Netanyahou ?

Très objectivement, sur le plan tactique et politique, il a intérêt à l’extension du conflit et à l’embrasement. D’abord pour recouvrir le 7 octobre, comme je le disais. Mais aussi parce qu’en entraînant les États-Unis dans la guerre, il peut gêner la campagne des démocrates, qui sont divisés sur le soutien à Israël, contrairement aux républicains. S’il y a embrasement régional, la campagne de Harris sera davantage contrariée que celle de Trump.

Même s’il n’a pas de plan pour « le jour d’après » et même s’il entraîne son pays dans une impasse stratégique qui contrevient aux intérêts vitaux d’Israël, Benyamin Netanyahou retire des bénéfices politiques à rester dans cette voie.

On voit que la relation avec les États-Unis s’est inversée. C’est Israël qui dicte l’agenda géostratégique à la puissance américaine alors que celle-ci détient la prééminence militaire et fournit des moyens à Tsahal. Benyamin Netanyahou a menti plusieurs fois à son allié, lui faisant croire qu’il allait accepter le cessez-le-feu à Gaza pour finalement le torpiller. Et il ne l’a pas non plus prévenu de l’élimination du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah [le 27 septembre dernier].

A quelle condition la période troublée ouverte par l’attaque du 7 octobre peut-elle s’apaiser ?

On a vu que le Premier ministre Israélien avait un intérêt à l’embrasement. Il fait partie des dirigeants qui pensent que le règne du droit international est terminé, et qu’on est entré dans celui de la force. Yahya Sinouar, chef du Hamas, a également intérêt à cet embrasement, pour desserrer l’étau militaire sur les tunnels de Gaza. La seule bonne nouvelle, c’est que les deux autres acteurs, le Hezbollah et l’Iran, n’y ont pas intérêt. Car la seule ligne stratégique de l’Iran est la protection de son programme nucléaire.

Il y a eu une réaction israélienne extrêmement brutale après le 7 octobre, avec le déclenchement de moyens généralement utilisés par les organisations terroristes. Le piratage des bipeurs - c’est-à-dire le fait de transformer des milliers d’objets civils en armes de guerre - revient à recourir à des méthodes terroristes. Rappelons aussi que plusieurs centaines de personnes sont mortes lors de la frappe contre le chef du Hezbollah.

Après l’assassinat ciblé du chef du Hamas [Ahmed Yassine] en mars 2004, Jacques Chirac l’avait condamné, disant qu’il était contraire au droit international. Il y a vingt ans, on savait que les démocraties ne peuvent pas utiliser les méthodes terroristes pour lutter contre le terrorisme. Depuis, toutes ces lignes rouges ont été franchies.

Quel peut-être le rôle de la France dans la désescalade espérée ?

Elle ne peut pas rester inerte car elle abrite la première communauté juive et la première communauté arabe d’Europe. Les conséquences du conflit sur son opinion publique sont donc bien plus importantes qu’ailleurs. Et puis elle a un siège permanent au Conseil de sécurité, le seul siège européen depuis le Brexit et le départ du Royaume-Uni. La France a fourni son armement à Israël jusqu’aux années 1960 et c’est elle qui lui a transmis l’arme nucléaire. Ses liens historiques sont aussi très forts avec la Palestine et, bien sûr, avec le Liban.

Cet été, la France s’est regardé le nombril, focalisée sur ses problématiques nationales. Mais fin septembre, l’appel conjoint des États-Unis et de la France à un cessez-le-feu entre Israël et le Liban représentait une vraie percée diplomatique et une opportunité de désescalade que Netanyahou aurait pu saisir. La diplomatie a rarement été autant décriée qu’aujourd’hui, mais elle n’a jamais été aussi indispensable.

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