Vietnam, Monsanto, « écocide »... C'est quoi cet « agent orange » dont les fabricants ne seront pas jugés en France ?SportuneBébés et MamansMinutes Maison
Depuis 2014, Tran To Nga, de 82 ans, mène une bataille judiciaire, au civil, contre les 14 firmes qui ont produit l’agent orange utilisé par l’armée américaine au Vietnam
20 Minutes fait le point après que la cour d’appel de Paris, a rejeté son appel ce jeudi. Les 14 groupes agrochimiques ne peuvent donc pas être jugés en pour avoir conçu ou commercialisé le défoliant ultra-toxique « agent orange » utilisé durant la guerre du .
C’est quoi au juste l’agent orange ?
L’agent orange est un herbicide ultratoxique déversé sur les forêts durant la guerre du Vietnam. Il s’agit d’une dioxine avec une puissance toxique « absolument phénoménale », 13 fois plus importante que celle des herbicides civils comme le glyphosate par exemple, rappelle Valérie Cabanes, juriste en droit international.
« L’agent orange » détruit la végétation, pollue les sols, intoxique végétaux et animaux. Les conséquences sanitaires sur la population (cancers, malformations) se font encore sentir aujourd’hui. Monsanto (racheté en 2018 par l’allemand Bayer) et le fabricant américain Dow Chemical ont commercialisé ce composé chimique.
Pourquoi a-t-il été utilisé par les Etats-Unis pendant la guerre du Vietnam ?
L’armée américaine a largué plus de 21 millions de gallon de ce défoliant, entre 1962 et 1971, sur les forêts et les cultures vietnamiennes et laotiennes afin d’empêcher la progression de la guérilla communiste. Les conséquences sanitaires de cette dioxine cancérigène et teratogène, qui s’attaque au système immunitaire, se sont transmises aux générations ultérieures, ce qui constitue une véritable « extermination familiale », juge Tran To Nga, qui a porté plainte en 2014 contre 14 entreprises ayant fabriqué ou commercialisé cet « agent orange ».
Environ « 6.000 enfants naissent au Vietnam avec des malformations congénitales » par an, renchérit Valérie Cabanes. Les responsables de Hanoï affirment que jusqu’à trois millions de Vietnamiens ont été exposés à ce mélange toxique de produits chimiques qui provoque le cancer, des malformations congénitales et des maladies neurologiques. , autre composé chimique utilisé par les Etats-Unis pour anéantir des villages, au cours de la même guerre du Vietnam.
Pourquoi en reparle-t-on aujourd’hui ?
Bayer-Monsanto et 13 autres groupes agrochimiques, qui ont conçu ou commercialisé le défoliant ultra-toxique « agent orange » utilisé durant la guerre du Vietnam, ne peuvent pas être jugés en France, a tranché ce jeudi la cour d’appel de Paris, jugeant « irrecevables » les demandes de Tran To Nga.
« Les demandes de Mme Tran To Nga se heurtent à l’immunité de juridiction dont les sociétés bénéficient », a écrit la cour d’appel dans son arrêt. La cour a ainsi confirmé un jugement du tribunal judiciaire d’Evry, qui avait estimé en 2021 que les sociétés, dont Bayer-, Dow Chemical et Hercules, avaient « agi sur ordre et pour le compte de l’Etat américain » et qu’elles pouvaient, de ce fait, se prévaloir de « l’immunité de juridiction ». L’octogénaire, qui a appris la décision depuis Hô Chi Minh-Ville, compte se pourvoir en cassation, ont annoncé ses avocats, Mes William Bourdon et Bertrand Repolt.
a pour sa part qualifié de « déni de justice pour les victimes de l’agent orange » la décision de la cour d’appel de Paris et assuré ne pas baisser « les bras », dans un communiqué.
Y a-t-il eu d’autres procès ?
Aux Etats-Unis, le combat contre « l’agent orange » a conduit en 1970 à la création du terme « d’écocide » pour décrire la destruction délibérée de l’environnement. Si des vétérans ont été indemnisés par certaines entreprises sans qu’un procès ait lieu, la justice a débouté en 2005 une association vietnamienne de victimes au motif que « l’agent orange » était un herbicide et non une arme chimique.
Pourquoi Tran To Nga porte-t-elle ce combat ?
Née en Indochine française en 1942, Tran To Nga a 24 ans et est journaliste quand elle est exposée au défoliant utilisé par l’armée américaine pour détruire les forêts vietnamiennes qui protègent les combattants de la guérilla communiste Vietcong. « L’avion est passé avec un nuage blanc derrière lui. Ça tombe très rapidement et c’est comme ça que je me suis retrouvée enveloppée d’un liquide gluant et, tout de suite, j’ai commencé à tousser, à m’étouffer », a relaté Tran To Nga lors d’une conférence de presse en avril.
Sa fille, née en 1969, est décédée d’une malformation cardiaque au bout de « 17 mois », précise le collectif Vietnam Dioxine, en ajoutant que ses deux autres filles et ses petits-enfants sont atteints de « pathologies graves ». Tran To Nga souffre quant à elle de « tuberculoses à répétition, d’un cancer et d’un de type II ».