Russie : Tchernobyl, coma, empoisonnement… Dans l’intimité d’Alexeï Navalny, huit mois après sa mortSportuneBébés et MamansMinutes Maison

Il était l’opposant le plus tenace à Vladimir Poutine et du Kremlin. se raconte dans Patriote, ses mémoires publiées ce mardi à titre posthume, huit mois après au centre pénitentiaire de Kharp, dans une prison de l’Arctique. Le citoyen russe de 47 ans purgeait une peine de dix-neuf ans de prison pour extrémisme après de multiples arrestations et au cours de sa vie de militant anticorruption.

Une enfance passée dans un village proche de Tchernobyl, le réveil de , une arrestation en Russie… Dans cette autobiographie écrite au cours des rebondissements de sa vie, Alexeï Navalny dévoile des événements plus ou moins connus du public, en y ajoutant son regard personnel.

Tchernobyl et la première expérience des mensonges du régime

C’est la première fois qu’il fait face aux mensonges du régime russe, qui est à l’époque encore l’URSS. Après l’explosion de , les autorités ont tenté de rassurer la population, camoufler l’ampleur des dégâts, et traquer les scientifiques qui connaissaient la réalité de la catastrophe.

Alexeï Navalny, alors âgé de 9 ans et habitant avec sa famille dans la petite ville d’Obninsk, à 700 kilomètres de la centrale nucléaire, s’interroge de voir des soldats « vêtus de la tête aux pieds de curieuses combinaisons blanches » avec des masques à gaz sur la tête qui « leur donnaient l’apparence d’une étrange espèce animale ». Des soldats qui contrôlaient les voitures à l’aide d’une « tige en métal spéciale » pour mesurer le niveau de radioactivité des véhicules et de leurs passagers. L’objectif : identifier les « savants atomistes » qui, « malgré les mensonges diffusés par les médias », avaient « fait monter leur famille en voiture pour rejoindre Obninsk ».

« Les autorités mentaient en prétendant qu’il n’y avait aucun danger », se souvient Alexeï Navalny dans ses mémoires. Cette explosion survenue le 26 avril 1986 « a été le premier événement majeur, la première leçon de ma vie et a influencé ma vision du monde », explique le militant devenu alors conscient que « l’hypocrisie et le mensonge ont envahi tout le pays » à la suite de l’événement.

L’expérience du coma et l’amour de Ioulia

« Mourir ne faisait pas mal », commence Alexeï Navalny dans son premier chapitre. Le 20 août 2020 alors qu’il est à bord d’un vol pour Moscou en train de regarder un épisode de Rick et Morty, le militant engagé à l’époque avec la Fondation anticorruption ressent « des sueurs froides ». « Il y a quelque chose qui cloche, je n’ai jamais rien éprouvé de tel. […] J’ai simplement l’étrange impression que tout mon organisme est en train de me lâcher », se souvient-il. Il est victime d’un empoisonnement par . « Je suis sur le point de mourir », se dit-il, comparant ses sensations à un baiser des «  ». Alexeï Navalny se réveillera, dans la douleur après « une sorte de traversée interminable et particulièrement réaliste des cercles de l’Enfer ». Il a été pris en charge par un hôpital à Berlin qui l’a plongé dans le coma pendant dix-huit jours, auxquels se sont ajoutés « 26 jours de soins intensifs et 34 jours d’hôpital ».

« Ioulia, tu m’as sauvé. » L’amour pour son épouse ressort à plusieurs reprises de son ouvrage posthume, et notamment dans ce billet écrit depuis la prison le 21 septembre 2020. Il y raconte sa sortie du coma et comment, alors qu’il ne « comprend pas ce qui se passe » autour de lui, son « unique passe-temps consiste à attendre Sa venue (sic). » « Chacune de ses visites avait littéralement des vertus thérapeutiques » et « cette expérience m’a appris dans l’ombre d’un doute, l’amour guérit et rend la vie ».

Premier chapitre depuis la prison

« Un coup de théâtre. » C’est ainsi que le militant introduit son huitième chapitre écrit depuis la prison. Le 18 janvier 2021, au lendemain de son retour en Russie, il est arrêté par les autorités russes à sa descente de l’avion. Alexeï Navalny passe de son lit d’hôpital à un banc de cellule et semble toujours prendre avec recul les mésaventures de sa vie. Avant de rentrer en , il avait pourtant ces « papillons dans le ventre », une certaine appréhension face à un « avenir incertain » qui ne l’empêche pas de vouloir retourner chez lui. Il se donne même des projets pour quand il sera « à la maison », comme celui de lire « au moins un livre par mois, et la moitié dans une langue étrangère ».

Jusqu’au bout, il se raisonne estimant que son arrestation ne serait pas dans l’intérêt du très installé locataire du Kremlin. Ces heures avant de monter dans l’avion sont pourtant les derniers moments de liberté de sa vie. A son arrivée à la douane à l’aéroport Vnoukovo de Moscou, après un vif échange avec les autorités, il accepte finalement de suivre les policiers. « J’embrasse encore Ioulia et je me mets en marche, accompagné par une escorte policière », couche-t-il par écrit. Lorsqu’il est emmené à la prison, il s’est dit « avec quelque suffisance que Poutine n’était pas le seul à se faire trimballer dans Moscou en cortège, avec des gyrophares ». « Matelas. Oreiller. Bol. Cuiller. » Voilà les ustensiles auxquels il avait droit une fois emmené dans sa cellule. Il réclame alors « au moins » un stylo et du papier. « C’est comme ça que j’en suis venu à écrire ce chapitre », conclut-il.

Le dernier billet avant la mort

Alexeï Navalny a été condamné en février 2021 à trois ans et demi de prison pour diffamation. Il a ensuite été à nouveau jugé sous différents prétextes lors de procès se tenant directement dans les centres pénitentiaires, sans témoin, sans journaliste. En mars 2022, il a été condamné à neuf ans de colonie « à régime stricte », puis en 2023 à dix-neuf ans de colonie « à régime spécial ». A chaque jugement, Alexeï Navalny était transporté dans une nouvelle prison. Le 17 janvier, presque un mois jour pour jour avant sa mort et trois ans après être rentré en Russie, l’opposant à écrit son ultime billet, privé par la suite de matériel.

« Depuis trois ans, je réponds à la même question […] : "Pourquoi es-tu rentré ?" », raconte-t-il avant de poursuivre : « En répondant à cette question, […] je suis exaspéré contre moi-même, parce que je suis incapable de trouver les mots justes qui feraient comprendre à tout le monde et mettraient fin à ces questions incessantes. » « Je refuse d’abandonner mon pays ou de le trahir. Si vos convictions ont un sens pour vous, vous devez être prêts à vous battre pour elles et à faire les sacrifices s’il le faut », appelle celui qui a payé de sa vie ses engagements politiques. S’il se dit « évidemment pas content » d’être emprisonné, il promet de ne jamais renoncer à ses idées, « ni à [sa] patrie ». « La victoire est inévitable », ajoute celui qui ignore encore qu’il vit ses derniers jours.

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