Guerre en Ukraine : A Poltava, « une frappe d’opportunité déclenchée extrêmement rapidement »SportuneBébés et MamansMinutes Maison
«Il s’est écoulé très peu de temps entre le déclenchement des sirènes antiaériennes et l’explosion », raconte Volodymyr dans les colonnes du . Puis, « un deuxième missile est arrivé » très rapidement. « Tout le monde est sous le choc. »
Une frappe , mardi à Poltava (), une ville située à environ 300 kilomètres à l’est de , a fait au moins 53 morts et environ 300 blessés, selon un nouveau bilan établi mercredi. Elle visait notamment un groupe de soldats réunis pour une cérémonie en plein air, sur le site de l’Institut des télécommunications, un établissement fondé dans les années 1960 et qui forme des spécialistes des télécommunications militaires. « L’un des bâtiments de l’Institut a été partiellement détruit », a détaillé le président dans un message vidéo, qui a précisé que deux missiles balistiques avaient touché « un établissement d’enseignement et un hôpital voisin ».
Information recueillie « par drone » ou via « un canal de communication »
« Tout semble indiquer qu’il s’agit d’une frappe d’opportunité, analyse pour 20 Minutes Guillaume Lasconjarias, historien militaire et professeur associé à Sorbonne Université. Une cérémonie militaire ne dure pas, en général, des heures, donc soit les Russes ont traité immédiatement une information recueillie par un de leurs qui saturent l’espace aérien ukrainien, soit ils ont obtenu des fuites depuis un canal de communication. On sait que les , dans les deux camps, communiquent sur des canaux qui ne sont pas protégés. Ensuite, les Russes ont déclenché leur frappe de manière extrêmement rapide. »
Le ministère de la défense russe assure ce mercredi que les tirs de missiles visaient un centre d’entraînement militaire. « Les forces armées de la Fédération de Russie ont procédé à une frappe de haute précision contre le 179e centre d’entraînement conjoint des forces armées ukrainiennes dans la ville de Poltava, où ont été formés sous la direction d’instructeurs étrangers, des spécialistes des communications, de la guerre électronique et des militaires des unités des forces armées ukrainiennes, ainsi que des opérateurs de véhicules aériens sans pilote participant au bombardement de cibles civiles sur le territoire de la Fédération de Russie », écrit-il sur Telegram.
« Une catastrophe »
Cette frappe a suscité l’incompréhension, parfois la colère, parmi une partie de la population ukrainienne. Des blogueurs militaires s’interrogent notamment sur une concentration aussi importante de soldats au même endroit, en plein air, offrant une cible de choix à l’adversaire.
« Bien sûr que cela soulève des critiques, observe Guillaume Lasconjarias, également chercheur associé au . Perdre "bêtement" un grand nombre de soldats de la sorte, c’est une catastrophe pour une armée qui peine à remplacer ses troupes. Mais nous sommes sur un front qui fait plus de 1.000 km, il y a forcément, à un moment ou à un autre, une obligation de regrouper des hommes, que ce soit pour les acheminer, les équiper… Ce sont plusieurs centaines de milliers de combattants qui s’affrontent sur le terrain, et ce type d’accident fait partie du "brouillard de la guerre." »
« Des frappes en second extrêmement dévastatrices »
Le spécialiste tire de ce bombardement, l’un des plus meurtriers de la guerre, plusieurs enseignements. « Cela montre que les Russes ont manifestement fait à nouveau le plein de leurs missiles balistiques et de leurs missiles de croisière », ce qui leur permet « de frapper des villes un peu plus loin du front comme Poltava. » Guillaume Lasconjarias souligne au passage « la capacité de l’industrie d’armement russe à tenir dans la durée, et d’être ainsi toujours capable de fabriquer les outils technologiques constituant le cœur du missile, pour les employer. »
Il observe également que, « dans la manière de faire », les Russes semblent favoriser « les frappes en deux ou trois temps ». « On a d’abord un premier temps où on envoie des drones en nombre pour saturer la défense antiaérienne ukrainienne, et ensuite des missiles de croisière qui frappent les sites, suivis d’une deuxième vague qui vient frapper les survivants et les équipes de secours. C’est ce qu’on appelle les frappes en second, qui sont extrêmement dévastatrices, créant un massacre supplémentaire. »
Difficulté des Ukrainiens à protéger leur ciel
La rapidité de la frappe explique également ce bilan particulièrement meurtrier. « Entre le moment où on signifie l’alerte, et celui où le missile arrive, la fenêtre est très réduite, confirme le spécialiste. Ce sont des missiles qui surgissent littéralement, et avec une défense antiaérienne parsemée le long du front, les Ukrainiens se retrouvent en incapacité de traiter toutes ces vagues. Faute de mise à disposition suffisante de batteries de Patriot, de ou de Shorad, les Ukrainiens dénoncent depuis plusieurs mois la très grande difficulté qu’ils rencontrent pour protéger leur ciel. Ils doivent faire un choix, à chaque fois critique, entre protéger les infrastructures, les états-majors et les sites militaires sensibles. »
Guillaume Lasconjarias dénonce ces frappes russes, « qui sont des frappes de terreur, car elles visent généralement des infrastructures civiles, la population, des objectifs qui ne sont pas militaires. » « Il y a une volonté de punir la population ukrainienne, et de créer une défiance de la population envers ses responsables. En réalité, cela provoque souvent l’effet inverse, avec un phénomène de Rally’round the flag [ralliez-vous autour du drapeau]. »