Gouvernement Barnier : Faire de la santé mentale une grande cause nationale, ça changerait quoi concrètement ?SportuneBébés et MamansMinutes Maison
Michel Barnier l’a annoncé dimanche soir. Il souhaite que devienne la grande cause nationale du gouvernement en 2025. Une nouvelle qui n’étonne pas les professionnels du secteur, qui tirent la sonnette d’alarme depuis des années, notamment depuis la crise du Covid-19. . Treize millions de Français souffrent de troubles psychiques et psychiatriques et 42 % des jeunes de 18 à 24 ans souffrent de dépression modérée à sévère selon une étude réalisée par l’université de Bordeaux en mars.
Si Gabriel Attal avait déjà déclaré qu’il souhaitait faire de la santé mentale des jeunes sa priorité, le Conseil national de la refondation consacré au sujet, programmé cet été, a été annulé après la . « En faire une grande cause nationale sera positif seulement si c’est suivi d’effet, tranche Marie-José Cortès, présidente du Syndicat des psychiatres hospitaliers (SPH). On ne veut pas d’une énième assise sur la santé mentale qui ne sert à rien mais d’un rétroplanning avec des objectifs clairs. Du pratico-pratique. »
Déstigmatiser les troubles de santé mentale
Alors parlons pratique. Le label « grande cause nationale » permet notamment à des associations ou des collectifs de bénéficier de campagnes gratuites à la télévision et à la radio. « Cette mise en visibilité peut aider à ce que les malades se sentent moins seuls », avance Charles-Edouard Notredame, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent au CHU de Lille et maître de conférences à l’université de Lille.
Qu’ils soient touchés par une , une dépression ou une , . La présidente du SPH tempère toutefois : « les campagnes fonctionnent bien mais seulement le temps de la campagne. »
Faire de la prévention, notamment à l’école
Avec cette mise en lumière, les professionnels du secteur attendent aussi des moyens. « Il faut notamment investir dans la prévention, en faisant par exemple de l’éducation à la santé psychologique à l’école », propose Antoine Pelissolo, psychiatre, chef du service de psychiatrie à l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil.
Et faire de la santé mentale une grande cause nationale pourrait aussi permettre de recruter. « 42 % des postes de psychiatres hospitaliers sont vacants et de nombreux lits ferment au sein des unités psychiatriques », rappelle Antoine Pelissolo. Conséquence : des personnes en grande souffrance psychologique se retrouvent bloquées aux urgences, voire invitées à rentrer chez elles, faute de place. « Les délais de consultation dans toutes les structures publiques sont de plusieurs mois et même en libéral, la plupart des psychiatres ont de longues listes d’attente, voire ne prennent plus de nouveaux patients », poursuit le médecin.
« A l’hôpital, la n’est pas considérée comme la plus importante mais si on dit que c’est désormais une priorité nationale, on aura moins de mal à recruter une infirmière quand on en a besoin par exemple », illustre le chef de service.
Recruter des soignants
Mais pour les médecins interrogés, recruter n’est pas tant une question de moyens que d’attractivité. « On a reçu un budget pour recruter dans notre centre mais j’ai mis énormément de temps à trouver du personnel », témoigne Fayçal Mouaffak, responsable d’un pôle de psychiatrie de secteur en Seine-Saint-Denis. Et c’est facile à expliquer : une nuit de garde à l’hôpital est payée 200 à 250 euros, un montant que gagnent la plupart des psychiatres libéraux en deux consultations. »
Selon eux, la visibilité des problématiques de santé mentale pourrait permettre de mettre fin à ce cercle vicieux (le manque de financement donne lieu à des conditions de travail dégradées, rendant peu attractif le secteur, contribuant à le dégrader). « Il faut valoriser les métiers de la psychiatrie et particulièrement de pédopsychiatrie », insiste Charles-Edouard Notredame, estimant toutefois qu’il ne faut pas être « misérabiliste ». Pour le médecin, la cause nationale permettra aussi de mettre en avant des dispositifs « innovants et pionniers », tels que les ou .
Former les généralistes et les urgentistes
Pour faire face à cette crise, Fayçal Mouaffak estime que la question de la santé mentale doit être prise à bras-le-corps par d’autres médecins. « Les généralistes et urgentistes devraient être formés aux pour pouvoir répondre aux troubles les moins lourds car il n’y aura jamais assez de psychiatres pour répondre à toutes les demandes. »
Le médecin veut rester optimiste. « Je me dis qu’on arrivera à faire avancer les choses mais j’espère que ce sera rapide, parce qu’on n’a plus le temps. » Une urgence qui risque de se heurter à un autre problème urgent pour le gouvernement : celui de la dette publique.