« Il faut se délester de ce costume de super-héros »… Un pompier dévoile ses traumasSportuneBébés et MamansMinutes Maison

C’est une facette méconnue des hommes et des femmes du feu. Celle du mal-être, des angoisses, et des failles. Alors que des sapeurs-pompiers se déroule jusqu’à ce samedi à Mâcon (Saône-et-Loire), un livre fait parler de lui depuis quelques semaines .

Celui de Matthieu Josse, Nazairien de 40 ans, qui a publié début septembre (ed. du Bateau vert et blanc). Il y détourne la célèbre devise pour parler sans tabou de ses traumatismes après vingt ans d’exercice en tant que professionnel.

Après une opération de secours particulièrement éprouvante auprès de deux adolescents électrocutés, ce fils de pompier et père de deux enfants a craqué moralement. Après plusieurs mois d’arrêt maladie et un an en mi-temps thérapeutique, il vient tout juste de reprendre pleinement son activité. Entretien.

Les pompiers affrontent tous les jours des drames et pourtant, le « travail émotionnel » n’a que peu de place, selon vous. Comment vous êtes-vous rendu compte de ce paradoxe ?

En tant que pompier, on absorbe les choses en pensant que ça ne ressortira pas. Au pire, on repense à un événement pendant une nuit ou deux mais ensuite ça passe, on enferme ça au fond de nous… Sauf que là, après cette fameuse intervention, j’ai senti que ce n’était pas normal, qu’il n’y aurait pas de pansement assez gros pour stopper cette hémorragie. J’ai entamé une thérapie, et tout un tas de questions et de souvenirs me sont parvenus, des cauchemars, des pensées…

J’ai alors compris que pendant vingt ans, j’avais accumulé trop d’émotions sans avoir pris soin de vider ce sac à dos de temps en temps. J’étais bouleversé psychiquement, avec tous les symptômes du , un phénomène qui peut aussi se produire après une exposition chronique au stress. On ne m’en avait jamais parlé quand je suis rentré en tant que pompier.

Votre prise de conscience intervient après ce terrible accident sur un site ferroviaire en 2022. Vous vous retrouvez face à un adolescent, gravement brûlé, qui n’a finalement pas survécu…

En plus du jeune âge de la victime, c’est le sentiment d’impuissance qui a majoré ma souffrance. La psychologue m’a dit après coup que le fait d’être présent et de tenir une main aide. Mais en tant que pompier, on est habitués à l’action et à réaliser des gestes. , je n’ai rien pu faire. C’est une émotion horrible à vivre qui a clairement amplifié mon mal-être. Ça m’a aussi remémoré l’intervention de l’incendie de , dix-sept ans après [un dramatique incendie dans lequel trois jeunes gens étaient décédés], où la aussi le sentiment d’impuissance a été très puissant finalement.

Avec les collègues, on reparle parfois des interventions les plus dures, mais on ne rentre jamais en profondeur. Je ne vais pas leur dire que j’ai des pensées envahissantes, que je n’écoute plus mon épouse à la maison car je suis ailleurs. Et chez soi c’est pareil, on a envie de tout balancer à sa moitié, mais on veut aussi l’épargner.

Avec votre livre, vous espérez une meilleure prise en compte de la santé mentale chez les pompiers ?

Je crois que je l’ai rédigé au bon moment car c’est un sujet qui émerge, mais qui manque encore beaucoup de données ou d’études. La grosse lacune, c’est qu’à aucun moment, on ne nous apprend à coordonner notre vie privée et notre vie de secouriste. A 18 heures, on va être appelé pour un et à 19h15, on va retrouver les siens, sans transition.

L’aspect « gestion du stress » est encore trop peu développé. Il y a certes des cellules d’aide médico-psychologiques mais il y a un cheminement personnel du sapeur-pompier à faire qui n’est pas encore présent, un peu comme chez les soignants. Il faut reconnaître de ne pas aller bien mais dans ce milieu un peu macho, où l’on n’a pas le droit de montrer de faille et où le regard des autres est important, c’est parfois difficile…

Depuis peu, les outils évoluent, par exemple avec ce petit onglet que l’on peut cocher après chaque rapport d’intervention, afin de signaler si on ne l’a pas bien vécu.

Au-delà de votre témoignage personnel, votre livre est aussi une critique de ce milieu « hypermasculin ». Comment a-t-il été perçu par vos pairs ?

J’appréhendais pas mal quand j’écrivais, savoir si j’allais assumer. Et en fait, il y a un retentissement vraiment inattendu, que ce soit chez les collègues ou dans la hiérarchie. Je reçois tous les jours des « mercis » de la part de pompiers qui ont besoin de se délester du poids de ce costume de super-héros, de se sentir aussi hommes, avec leur humanité.

D’autres se posent, comme moi, la fameuse question de la distance à mettre. Comme cette femme un peu perdue qui m’écrivait : « On nous demande d’être empathique mais de ne pas tomber dans la sympathie, de comprendre les émotions et en même temps de ne pas se mettre à la place des victimes, de garder sa vitalité tout en recevant leur mal-être… » C’est très compliqué.

Bref, je ne suis pas mais tout le monde se livre à moi. Certains me disent qu’ils hésitaient à aller consulter et qu’après avoir lu le livre, ils vont le faire.

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