Seine-Saint-Denis : « Je n’en avais jamais entendu parler »… Le difficile recrutement de donneurs de gamètesSportuneBébés et MamansMinutes Maison

Sur la place du 11-Novembre de Bondy, ce samedi, une dizaine de silhouettes violettes se répartissent autour d’un barnum et d’une camionnette. Partout, le même slogan : « Faites des parents ». Des badauds passent et repassent devant l’animation, le regard intrigué. Et lorsque l’on évoque le sujet en question avec des jeunes, ils ricanent. Le sujet ? Une opération visant à inciter au et d’ovocytes, lancée par l’Agence de la biomédecine.

En France, parmi les 15 millions d’adultes âgés de 20 à 49 ans ayant essayé d’avoir un enfant, un couple sur quatre (24 %) a rencontré des difficultés à concevoir, selon l’Inserm. De l’autre côté, seules 676 personnes ont donné leurs gamètes en 2023, et , en forte expansion, selon l’Agence de la biomédecine.

« Je n’en avais jamais entendu parler »

« J’explique aux gens que c’est important de permettre aux personnes qui le souhaitent de devenir parents », raconte Frédéric Letellier, bénévole de 44 ans, ciré violet sur le dos et lunettes sur la tête, lui-même ancien donneur. Alma, une mère de famille d’origine italo-marocaine de 37 ans, toute de blanc vêtue, promène son chien à quelques mètres. « Je n’avais jamais entendu parler de don de gamètes », reconnaît-elle.

Selon un bénévole, de nombreuses personnes ne savent pas que ce type de don est autorisé en France, confondant (PMA) et (GPA) *.

Un sujet tabou

Une fois qu’on lui explique en quoi consiste le don de gamètes, Alma, musulmane, s’étonne. « Je sais que l’insémination artificielle est autorisée par l’islam mais si elle est faite avec le sperme du mari. Avec le sperme de quelqu’un d’autre… je suis en train d’imaginer… », poursuit-elle, les yeux ébahis derrière ses lunettes dorées. Et elle n’est pas la seule à se questionner. « Je trouve ça intéressant mais je ne sais pas si c’est autorisé par l’islam », s’interroge un autre Bondynois, étendu sur son vélo, affirmant toutefois que « le don du sang par exemple, est autorisé ».

Sur la place, à l’heure du déjeuner, les passants se comptent sur les doigts d’une main. Les bénévoles ciblent les « jeunes », car seuls les hommes âgés de 18 à 45 ans et les femmes de 18 à 37 ans peuvent donner leurs gamètes. Si des personnes connaissent le sujet, en parlent volontiers et posent un tas de questions, d’autres baissent la tête et accélèrent le pas dès le thème compris. « Quand des personnes semblent réfractaires, je n’insiste pas », explique un bénévole.

« L’infertilité est un sujet très tabou dans notre culture », assure Alma, dont le chien commence à s’agiter. Rayan, père de 34 ans, de retour de ses courses, assure connaître le sujet mais avoue ne jamais s’être posé la question d’un éventuel don. « C’est peut-être parce que je n’ai jamais été confronté à ce problème, ni moi, ni l’un de mes proches ».

Un manque de donneurs issus de la diversité

Le docteur Thierry Miatti, membre de l’association Afrique Avenir, a été spécialement recruté pour l’étape de Bondy. « J’essaie d’expliquer à des personnes de communautés afro-caribéennes qu’on a particulièrement besoin d’elles. » C’est la raison pour laquelle l’Agence de la biomédecine a choisi la ville de Seine-Saint-Denis pour l’étape d’Ile-de-France. Et parce qu’il existe un Cecos (centre d’études et de conservation des œufs et du sperme) à Bondy. Johanna Lousqui, médecin biologiste, y travaille. Ce samedi, elle est chargée d’informer les passants et d’inscrire les volontaires sur une liste, dans sa camionnette. « On manque de donneurs, mais encore plus de donneurs issus de la diversité », insiste-t-elle.

Parmi les questions qui lui sont le plus souvent posées, celle de la responsabilité du donneur. « Depuis 2021, son anonymat peut être partiellement levé à la majorité de l’enfant, mais il faut lever le fantasme du donneur qui fera partie de la vie de l’enfant », appuie la médecin. C’est justement la question que se pose Rayan. « C’est une question de responsabilité. Mais il y en a deux : à la fois celle d’aider les autres et à la fois celle vis-à-vis de l’enfant issu d’un don. » Avant de partir, il assure, « je vais y réfléchir, mais de manière philosophique ».

Casser les idées reçues

Alma, elle, redoute surtout le risque de consanguinité. « Le monde est petit et j’aurais peur de me marier avec mon frère », s’exclame, mi-inquiète, mi-amusée, la mère de famille. C’est justement la raison pour laquelle la loi bioéthique de 2004 instaure une limite de dix naissances par donneur.

Deux heures et demie après le début de l’opération, toujours pas une seule inscription. « Ce n’est pas grave, le but est surtout de les informer du problème du manque de donneurs. Et puis, c’est normal que des personnes qui en entendent parler pour la première fois aient besoin de temps pour réfléchir », estime la biologiste. Une petite graine qu’elle espère voir pousser.

* Pour rappel, la GPA (et les mères porteuses) sont interdites en France. Mais l’assistance médicale à la procréation est autorisée pour les couples hétérosexuels, les couples de femmes et les femmes seules. Et, selon les cas, un don de spermatozoïdes ou d’ovocytes peut s’avérer nécessaire.

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