Comment le thon peut-il contenir du mercure, et faut-il avoir peur d’en manger ?SportuneBébés et MamansMinutes Maison
On vous avait promis que la consommation de poisson était bonne pour la santé. Parce que riche en oméga 3, parce que chargé en vitamine D, parce que concentré en iode. Tout cela est vrai et ne doit pas être oublié. Mais alors, que faire de ? Dans un rapport publié ce mardi, Bloom et Foodwatch assurent que 100 % des 148 boîtes de thon en conserve testées par un laboratoire indépendant « sont contaminées au mercure ».
Derrière ce chiffre se cachent évidemment d’importantes nuances. Les ONG admettent d’ailleurs que l’ensemble des produits testés respecte la teneur en mercure en vigueur en Europe. Mais elles critiquent, à raison, l’étrange tolérance accordée par l’Union européenne qui prévoit que la tolérance maximale en mercure pour le thon . Sans cette dérogation, 95 % du thon pêché dans le monde serait jugé impropre à la consommation. Car l’espèce est de loin l’une des plus contaminées au mercure. Et ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour notre santé. On vous fait un petit topo.
C’est quoi le mercure, et à quoi ça sert ?
Le mercure est un métal qui se présente à l’état liquide dans des conditions normales de température. On l’utilisait notamment dans la conception des thermomètres, des piles ou des batteries. En médecine, on utilisait aussi ses propriétés antiseptiques notamment sous la forme de mercurescéine (aujourd’hui interdite), qui servait pour élaborer le mercurochrome (le fameux rouge).
En France et en Europe, l’usage du mercure est progressivement interdit pour de nombreux usages en raison de sa grande toxicité. Au 1er janvier 2025, ce sera au tour des amalgames dentaires (les fameux plombages gris) utilisant du mercure d’être interdits dans l’Union européenne.
Le mercure est aussi un métal présent naturellement dans notre environnement, mais à l’état de traces. C’est évidemment l’activité humaine qui le rejette en masse dans la nature : exploitation minière, métallurgie mais surtout centrales à charbon. Classé par l’OMS parmi les « dix substances les plus préoccupantes pour la santé publique » aux côtés de l’amiante et de l’arsenic, le mercure peut se transformer en « méthylmercure » dans le milieu aquatique. Une forme « toxique, facilement absorbable et accumulable par l’organisme », (Anses).
Pourquoi le thon est-il chargé en mercure ?
Le problème majeur du méthylmercure, c’est qu’il peut atteindre de fortes concentrations dans les organismes aquatiques. « Sa teneur a tendance à s’élever au fil de la chaîne alimentaire, à chaque fois qu’une espèce en mange une autre », ajoute l’Anses. Et c’est pour ça que le thon est une espèce « à part ». Car ce très gros poisson, capable d’atteindre plus de 200 kg, voire 400 kg pour certains records, est presque tout en haut de la chaîne alimentaire. Et c’est bien là le problème : plus le thon est gros et plus il est pêché en profondeur, plus il est contaminé, . « Toutefois, les seuils de méthylmercure préconisés par l’OMS (1 mg de mercure pour 1 kg de poisson) sont rarement dépassés. Seules 1 % des prises de thons jaunes et de thons blancs, et 11 % des thons obèses, affichent des concentrations supérieures aux maximums autorisés », tempère l’institut scientifique.
Le thon est-il le seul poisson concerné ?
Vous l’aurez compris, le méthylmercure s’accumule au fil de la chaîne alimentaire. On le retrouve avant tout dans les plus gros spécimens, les plus gros prédateurs. Vous pouvez donc continuer de manger les éperlans pêchés sur la jetée du port sans soucis. Outre le thon, le mercure vient aussi se loger dans la chair des « gros » comme l’espadon, le requin, le marlin ou le maquereau roi. (Asef), on le trouve également dans une concentration moindre dans le mérou, le grenadier et le merlu (aussi appelé colin). Encore un degré en dessous, on trouve le bar, la sardine et l’anchois.
Le mercure est-il dangereux pour la santé ?
Alors oui, vous vous en doutez, le mercure, tout comme le méthylmercure, sont évidemment nocifs pour la santé des animaux comme pour la santé humaine. D’autant que « la cuisson n’élimine pas le mercure », .
Les populations les plus à risques sont les femmes enceintes, car « les fœtus sont particulièrement sensibles aux incidences du mercure sur le développement. L’exposition au méthylmercure est susceptible d’avoir des effets préjudiciables sur le cerveau et le système nerveux en développement de l’enfant », ajoute l’OMS. Le mercure affecte notamment le système neurologique et peut générer des troubles du développement en affectant la mémoire, l’attention, la cognition ou encore le langage des plus jeunes victimes.
Par le passé, certaines populations vivant principalement de la pêche ont pu subir de graves séquelles d’une exposition au mercure. Ce fut le cas dans les années 1950 au Japon, où des dizaines de milliers d’habitants avaient été frappés par la mystérieuse « maladie de Minamata ». La raison ? Les rejets dans la baie d’une usine produisant de l’acide acétique qui a contaminé les poissons. Des dizaines de personnes en sont mortes et des milliers d’autres ont souffert de lésions cérébrales, de paralysies, de retards et même de délires. Le lien avec la pollution des eaux au méthylmercure a clairement pu être établi et l’usine a été fermée (après avoir été saccagée par les pêcheurs).
Faut-il arrêter de manger du thon ?
Maintenant que vous avez lu tout ça, difficile de voir la petite boîte bleue Petit Navire de la même manière. D’autant que la marque basée à Douarnenez (Finistère) présentait les plus grandes concentrations en mercure parmi les 148 boîtes de thon testées. Nul besoin de céder à la panique et de cesser toute consommation de thon. Ce qu’il faut, c’est surtout varier son alimentation. L’Anses recommande par exemple de consommer du poisson « deux fois par semaine » en mélangeant une espèce « grasse » comme le saumon, la sardine ou le maquereau et une espèce moins riche comme le colin, le thon ou le cabillaud. « L’important est de varier la provenance et les espèces », assure l’Association santé environnement France.
Les femmes enceintes, allaitantes et les enfants de moins de 3 ans doivent quant à eux limiter leur consommation de grands prédateurs comme le requin ou l’espadon et les poissons prédateurs sauvages comme le thon, la raie, la dorade, le bar, le sabre ou le brochet.