Prendre la pilule en continu pour arrêter d’avoir ses règles est-il dangereux ?… « Je pensais que ça rendait stérile »SportuneBébés et MamansMinutes Maison
Chacune a ses raisons. Pour certaines, elles sont médicales, souffrant d’, d’adénomyose, d’un fort , de règles douloureuses ou abondantes. Pour d’autres, il s’agit d’une préférence. Pas envie de saigner lors d’une épreuve sportive, d’un mariage ou d’un voyage, marre de redouter la tache de sang sur leur pantalon ou de devoir chercher des toilettes adaptées pour laver discrètement leur cup… Bref, chacune a ses raisons, mais toutes ont fait le même choix : opter pour une prise de pilule en continu pour arrêter d’avoir leurs .
Un choix qui fait parfois . Marion, 28 ans, qui prend une pilule en continu depuis dix ans, témoigne sur X : « Je n’ai plus de règles et la vie est si belle mais quand j’en parle autour de moi (hors monde médical), on me dit que c’est mauvais pour le corps, qu’il faut absolument avoir ses règles. » Juliette*, 31 ans, a enchaîné deux plaquettes avant son mariage cet été pour éviter d’avoir ses règles. « Ma mère, qui est médecin, m’avait déconseillé de le faire il y a quelques années, mais ma gynécologue m’avait proactivement dit que c’était possible de façon ponctuelle. »
« On m’a toujours dit que cela pouvait amener à devenir stérile »
Petite parenthèse avant de se pencher sur l’éventuelle dangerosité d’une telle pratique : il faut savoir qu’il existe, très schématiquement, deux types de . Les premières sont les œstroprogestatives. Elles sont faites pour être prises pendant trois semaines avant une semaine d’arrêt, ou pendant quatre dont une semaine de placebo. C’est lors de ces sept derniers jours que ses utilisatrices ont leurs règles. D’où le choix de certaines de zapper l’arrêt et d’enchaîner deux plaquettes. Le deuxième type concerne les pilules progestatives, faites pour être prises en continu et arrêter les menstruations. Fin de la parenthèse.
L’idée selon laquelle prendre la pilule sans discontinuité serait mauvais pour la santé est répandue. D’après un sondage YouGov réalisé pour 20 Minutes en 2020, 50 % des femmes qui n’ont jamais décalé ou supprimé leurs règles ne l’ont pas fait principalement parce que cela ne leur paraît « pas naturel », et 23 % par peur des effets négatifs sur la santé. « On m’a toujours dit que cela pouvait amener à devenir stérile, témoigne Whitney sur X. Mon médecin généraliste le pense et je l’ai toujours entendu. »
« Nettoyer » le corps des femmes
Ces idées reçues n’étonnent pas Julia Maruani, gynécologue médicale et secrétaire générale de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM). « Il y a beaucoup de croyances, notamment religieuses, sur la nécessité des règles. Il y a l’idée selon laquelle le sang éliminé permet de nettoyer le corps de la femme. Mais les règles ne nettoient rien, cela veut juste dire qu’il n’y a pas eu fécondation. » Julia Maruani voit aussi dans cette peur de l’absence de règles une « » [la peur des effets secondaires des hormones], un phénomène qu’elle juge de plus en plus présent.
Elise Thiébaut, autrice de Ceci est mon sang (Éditions La Découverte), considère, elle, que cette idée est inscrite dans « notre mémoire ancestrale ». « Historiquement, le fait de ne pas avoir ses règles est le signe d’un dysfonctionnement. Pendant des siècles, les femmes mesuraient leur état de santé selon leurs menstruations, qui montraient qu’elles étaient en capacité de tomber enceintes. Cela fait seulement trois générations que l’on peut arrêter ses règles, ce n’est rien. »
De fausses règles « sans intérêt » sous pilule
Mais enchaîner les comprimés abîme-t-il vraiment le corps ? « Il n’y a aucun danger à la prendre en continu, peu importe le type de pilule, sachant que mais des hémorragies de privation », tranche Julia Maruani. En gros, une femme qui ne prend pas de contraception hormonale a un cycle hormonal naturel, avec une ovulation, une absence de fécondation (sauf en cas de grossesse) et donc une chute d’hormone qui va entraîner l’élimination de l’endomètre et faire saigner. Sous pilule de 21 jours, il n’y a plus d’ovulation. C’est seulement l’arrêt des hormones au début de la 4e semaine qui va provoquer un saignement. « Ces fausses règles », confirme le gynécologue François Guillibert.
« Quand les pilules œstroprogestatives ont été créées, elles ont été pensées pour être prises pendant 21 jours. Mais c’est au fur et à mesure des connaissances sur le cycle qu’on s’est rendu compte que la prendre en continu ne pouvait pas avoir d’impact sur la santé », ajoute Julia Maruani.
Pas d’études de grande ampleur
Le gynécologue François Guillibert se montre plus frileux. « Si les pilules en continu [les progestatives] sont créées pour ça, on ne sait pas ce qu’il en est pour celles devant être prises trois semaines. » Le médecin est « certain » qu’il n’y a aucun souci à court terme mais préfère ne pas se prononcer sur l’impact d’une telle pratique à moyen ou long terme, « faute d’études ». « En enchaînant deux plaquettes, on augmente la dose de pilule de 30 %, ce qui n’est pas grand-chose sur un an. Mais sur trente, on n’en sait rien. »
Si l’incidence à terme sur la fertilité lui semble improbable, il estime qu’il pourrait y avoir d’autres risques. « Les pilules faites pour être prises pendant trois semaines augmentent le risque de phlébite, d’embolie pulmonaire et d’AVC donc en augmentant les doses, on ne sait pas l’impact que cela pourrait avoir. »
Des risques de « spotting »
Selon Julia Maruani, le seul effet secondaire, bien moins grave, à enchaîner deux plaquettes de 21 jours, est celui des spottings, des saignements en dehors des règles. « Dans ce cas, je conseille aux femmes d’arrêter leur pilule une semaine et de la reprendre après. »
Mais la médecin ne prescrit pas pour autant à tout-va la pilule progestative. « Elle est moins bien supportée que les œstroprogestatives. 80 % des femmes l’arrêtent au bout d’un an, notamment en raison de spotting, aussi, et de problèmes de pilosité. » Dans ce cas, il reste le hormonal qui permet, lui aussi, d’arrêter ses règles. Mais lui aussi peut donner lieu à des spottings. Décidément.