Jeux paralympiques 2024 : « Je n’ai pas peur »… La première athlète transgenre Valentina Petrillo veut faire des émules
Avant même sa première course à la italienne Valentina Petrillo est assurée de devenir la première sportive transgenre à participer aux (28 août-8 septembre), avec l’espoir d’être « la première de beaucoup d’autres ».
En foulant la piste violette du Stade de France le 2 septembre pour le 1er tour du 400 m catégorie T12 (déficients visuels), Valentina Petrillo va à 50 ans « vivre le moment le plus important de sa carrière sportive et réaliser son rêve d’enfant », explique-t-elle à l’AFP lors d’un entretien téléphonique.
Retour à son premier amour
Depuis qu’elle a manqué « d’un souffle » sa qualification pour les Jeux paralympiques de Tokyo en 2021, l’athlète qui souffre depuis l’adolescence de la maladie de Stargardt, une dégénérescence maculaire génétique synonyme de perte progressive de la vision, « ne pensait plus qu’à Paris ». Dans les années 1990 déjà, Petrillo n’était pas parvenu à se qualifier pour les Jeux paralympiques de 1996, mais cet échec avait été beaucoup moins douloureux.
« Quand j’étais un homme, je n’étais pas moi-même, insiste-t-elle, je courais toujours avec le frein à main, je n’étais pas une personne heureuse, pas aussi heureuse que je le suis maintenant, même si j’ai quelques années de plus. »
Né dans un corps d’homme, marié, Petrillo fait ce qu’elle appelle elle-même « (son) coming-out » en 2017 et commence à vivre sa vie de femme, avant de débuter sa transition et de devenir en 2023 une femme aux yeux de l’administration italienne.
Après s’être consacrée au cécifoot, un football à cinq pour déficients visuels, et représenté l’Italie dans les tournois les plus importants, Petrillo finit par renouer avec ses premiers amours, le 200 m, « découvert grâce au mythe Pietro Mennea », ancien détenteur du record du monde et champion olympique 1980, et le 400 m.
Traitement hormonal
Un traitement hormonal lui permet de diviser son taux de testostérone par quatre et de se conformer ainsi, avec un taux de 5 nanomoles par litre de sang, à la réglementation de la Fédération internationale d’athlétisme pour pouvoir participer aux épreuves féminines de para-athlétisme. En 2023, elle ramène des Championnats du monde de para-athlétisme de Paris deux médailles de bronze (200 et 400 m).
L’ingénieure en informatique qui s’entraîne une heure et demie à trois heures par jour, « sauf le dimanche », aborde les Jeux paralympiques avec des objectifs sportifs ambitieux. « Je veux améliorer mes records personnels, 25 sec 77/100e sur 200 m et 58 sec 01/100e sur 400 m, si j’y parviens, la médaille ne sera peut-être pas loin », assure-t-elle.
Mais elle est consciente que, plus que ses chronos, c’est son parcours qui va marquer les esprits, mais aussi l’exposer aux critiques, menaces ou cyberharcèlement. Car, trois ans après l’haltérophile néo-zélandaise Laurel Hubbard, devenue à Tokyo la première sportive transgenre à participer aux JO, les moeurs ont peu évolué. Peuvent en témoigner les boxeuses algérienne et taïwanaise, Imane Khelif et Lin Yu-ting qui se sont retrouvées au cœur d’une controverse sur le genre lors des JO de Paris 2024.
« Je n’ai pas peur, je suis moi »
« Je sais que je vais être critiquée, que certains ne vont pas comprendre pour quoi je fais ça, mais je suis là, je me suis battue pendant des années pour en arriver là et je n’ai pas peur, je suis moi », martèle-t-elle.
Valentina Petrillo se voit comme un symbole, pas seulement dans une Italie où le gouvernement ultra-conservateur de Giorgia Meloni dénonce « l’idéologie du genre » et le « lobby LGBT ». « Je dis souvent que si je l’ai fait, d’autres peuvent le faire. J’espère être la première de beaucoup d’autres, j’espère être une référence, une source d’inspiration (…) Mon histoire peut être utile à beaucoup d’autres, déficients visuels ou non, trans ou non », assure-t-elle.
Si son père, qui, assure-t-elle, l’a « toujours soutenue et comprise », est trop âgé pour venir à Paris, Valentina Petrillo sera encouragée au Stade de France par son fils, sa fille, son ex-femme et son frère. « J’ai de la chance : je vais faire la chose la plus belle que j’ai jamais rêvé de faire, courir dans un stade », conclut-elle.