Transferts : « Il faut rester prudent et mesuré » sur les conséquences de l’affaire Diarra, prévient un expertSportuneBébés et MamansMinutes Maison

La planète foot est en ébullition depuis la décision rendue ce vendredi par la Cour de justice de l’Union européenne au sujet du litige qui oppose l’ex-international français à son ancien club du Lokomotiv Moscou. La CJUE a en effet jugé deux dispositions du Règlement du statut et du transfert des Joueurs (RSTJ) de la Fifa .

Si cette décision pourrait faire jurisprudence et bouleverser le fonctionnement du marché des transferts, il semble en revanche trop tôt pour parler de révolution ou d’arrêt Bosman 2.0. C’est le point de vue de Victor Omnès, avocat au cabinet De Gaulle Fleurance, qui a déjà défendu plusieurs clubs de foot, joueurs et agents sportifs dans le cadre de leurs litiges devant la Fifa et le Tribunal arbitral du sport. Pour lui, si cette décision « significative et importante aura un impact futur sur les règles des transferts, attention tout de même à ne pas surévaluer ses conséquences ».

Certains parlent de cette décision comme d’une véritable révolution, d’autres appellent à plus de prudence. Quel est votre point de vue ?

Il faut rester prudent et mesuré. Contrairement à ce qui a été dit par certains, on n’est pas face à une remise en cause du règlement dans son intégralité. Bien sûr que ça aura un impact significatif sur les futures règles applicables, puisque, concrètement, la Fifa va devoir adapter ces deux règles qui ont été jugées contraires au droit de l’UE. Mais il faut préciser que cette décision n’a vocation qu’à être appliquée sur le territoire de . Par conséquent, la FIFA pourra tout à fait conserver ses règles en l’état pour le cas, par exemple, où un joueur résilie sans juste cause son contrat avec un club sud-américain et signe dans la foulée avec un club nord-américain. C’est une notion importante à prendre en compte.

Par ailleurs, a déjà adapté à plusieurs reprises son règlement pour prendre en cause les obligations de l’UE, tout en conservant ses règles initiales pour les situations hors-UE. Ce fut notamment le cas dans le cadre des transferts de joueurs mineurs. Il y a une règle de principe qui s’applique internationalement et qui stipule qu’un transfert d’un joueur mineur est interdit. En revanche, pour respecter les règles de l’UE, ce transfert est rendu possible dès lors que le joueur est âgé entre 16 et 18 ans et qu’il a lieu entre deux clubs d’un même pays. Tout ça pour dire que la Fifa va possiblement chercher à adapter son règlement sans pour autant entraîner une révolution ou une refonte totale de celui-ci. L’autre possibilité, et c’est ce qui s’était passé au moment de l’arrêt Bosman, c’est une refonte totale du système, mais cela me semble moins probable.

La décision ne remet pas en cause le mécanisme global du marché des transferts. Cela n’a pas échappé à la Fifa, qui a déclaré être « satisfaite que la légalité des principes clés du système de transfert ait été reconfirmée »…

En toute logique, la FIFA minimise la portée de la décision de la CJUE. Elle rappelle, en substance, que la Cour de justice de l’UE n’a fait que considérer les deux dispositions en question comme étant incompatibles avec le droit de l’Union européenne, alors que le règlement de la FIFA en compte une trentaine. Et pour en revenir aux conséquences réelles, il faudra patienter un peu encore. D’autant que la CJUE a laissé le soin à la Cour d’appel de Mons d’apprécier dans le détail le caractère disproportionné ou non de ces règles. Elle considère que ces dispositions « semblent » être disproportionnées, et donc contraires au droit de l’UE, mais elle laisse quand même une marge de manœuvre aux juges de Mons pour vérifier dans le détail si, comme le prétend la FIFA, les justifications d’intérêt général viendraient contrebalancer ces atteintes aux principes du droit de l’UE. A la lecture de l’arrêt de la CJUE, on peut cependant légitimement s’attendre à ce que la juridiction belge confirme l’appréciation des juges européens.

Va-t-on assister à un transfert du pouvoir des clubs vers les joueurs ?

C’est trop tôt pour le dire. La FIFPro, le syndicat international des joueurs, aimerait avoir plus de poids dans l’établissement des règlements de la FIFA. Aujourd’hui on a un fonctionnement assez vertical, c’est-à-dire que la Fifa édicte des règlements et les impose à toutes les fédérations nationales, aux clubs et aux joueurs. Une des possibilités serait de voir la Fifa accepter de davantage négocier ses règlements avec les parties prenantes, et donc de plus les impliquer dans la nouvelle rédaction de ces dispositions qui viennent d’être jugées contraire au droit de l’UE. Même s’il faut préciser que rien ne lui impose juridiquement de suivre les recommandations de la FIFPro dans le futur. Mais, cela peut potentiellement conduire à moins de verticalité dans l’application des règlements et plus de négociations, notamment avec les syndicats de joueurs, et donc un pouvoir renforcé pour les joueurs.

Peut-on s’attendre à une explosion du nombre de joueurs qui rompraient leur contrat de manière unilatérale avec leur club ?

Il ne faut pas oublier que les autres règles de la Fifa restent en place, notamment celle de la résiliation sans juste cause, qui est maintenue. Ce qui a été jugé contraire au droit de l’UE, ce sont les sanctions attachées à cette résiliation sans juste cause à l’encontre du nouveau club. Ces sanctions avaient un effet désincitatif pour les clubs, ceux-ci avaient très peur d’engager un joueur qui était en conflit avec son ancien club, puisqu’ils risquaient à la fois de se voir sanctionner financièrement et sportivement. Le cas le plus parlant, c’est celui de Pape Gueye au moment de son transfert à l’OM. Le joueur avait résilié sans juste cause son contrat avec Watford et le tribunal de la Fifa a condamné l’OM à payer solidairement au club anglais le montant que Pap Gueye lui devait, et a en outre sanctionné Marseille d’une interdiction de transfert. L’interdiction de transfert a finalement été levée par le Tribunal arbitral du sport, saisi en appel.

Pape Gueye avec Jacques-Henry Eyraud lors de son arrivée à l'OM ele 1er juillet 2020.  - OM

Le fait que cette réglementation ait été jugée contraire au droit de l’UE pourrait inciter les clubs à réaliser plus librement ce genre d'opérations. Mais il est possible que la FIFA réfléchisse à remplacer ces dispositions réglementaires par d’autres mécanismes désincitatifs moins contraignants et qui respecteraient de ce fait le droit de l’UE. Le but de la FIFA, c’est d’assurer une certaine stabilité des contrats et des effectifs de chaque club afin de s’assurer de la régularité des compétitions.

On a presque la sensation qu’il ne s’agit là finalement que d’une tempête dans un verre d’eau, non ?

Non, je pense que la décision est malgré tout très importante, simplement il faut rester prudent sur les conséquences qui vont en découler dans un futur plus ou moins proche. Il est beaucoup trop tôt pour se prononcer. En revanche, ce qu’on peut dire, c’est qu’on sent une volonté de la CJUE de s’affirmer vis-à-vis des instances sportives, comme on l’a vu dans l’arrêt sur la Superleague de décembre 2023, en leur rappelant qu’il y a des principes fondamentaux au sein de l’Union européenne qui s’appliquent à tous les secteurs d’activité et que le monde du sport ne peut s’y soustraire.

Si l’on prend le cas des lofts, peut-on dire que dans ce cas précis le pouvoir bascule vers les joueurs qui seraient mis au placard, comme ce fut par exemple le cas avec Mbappé en début de saison dernière ?

Cette décision n’aura pas d’impact direct dans ce genre de cas de figure. Sur la question spécifique des lofts, le règlement de la FIFA est très clair : un club ne peut pas empêcher un joueur de s’entraîner mais l’entraîneur peut en revanche décider de ne pas le faire jouer en match puisque c’est une décision purement sportive, sur le papier du moins. En revanche, les joueurs pourraient être tentés de brandir plus facilement la menace d’une résiliation unilatérale de leur contrat s’ils sont placés dans le loft. Reste à voir quelles seront les nouvelles règles désincitatives qui seront possiblement édictées par la FIFA pour remplacer les dispositions existantes.

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