Nageurs chinois accusés de dopage : Un ex-dirigeant de l’AFLD dénonce le « scandale » des 23 sportifs non sanctionnésSportuneBébés et MamansMinutes Maison
Rémi Keller a été, pendant six ans, le premier président de la commission des sanctions de (AFLD). Alors qu’il vient de passer la main à François Weil, il a accordé une interview à , ce mercredi. Interview dans laquelle il dresse un bilan de son activité à la tête de cette instance indépendante du reste de l’Agence, chargée de statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par l’AFLD contre les auteurs de violations des règles antidopage.
Dans cet entretien, Rémi Keller revient sur à la trimétazidine avant les mais qui avaient été autorisés à y participer par l’Agence mondiale antidopage (AMA). Cette dernière, selon une enquête du New York Times et de la chaîne allemande ARD, avait accepté sans chercher plus loin les explications de l’agence chinoise (Chinada), qui assurait que les nageurs avaient été victimes d’une contamination alimentaire dans un hôtel.
De multiples violations de procédure
D’après Rémi Keller, rien ne va dans cette histoire, et surtout pas l’attitude de l’AMA. Il appuie ses dires sur sa lecture « attentive » du , transmis à l’AMA début août et qui « n’a curieusement été publié qu’en septembre, après les JO », pointe-t-il pour commencer.
Sa conclusion personnelle ne laisse pas de place au doute : « Cette affaire, c’est le plus grand scandale de violation des procédures antidopage qu’on a jamais connu », assure Keller. Pourquoi ça ? Déjà, l’enquête sur la contamination a été menée non pas par l’Agence chinoise antidopage mais par le ministère chinois de la Sécurité publique, pointe-t-il. C’est contraire aux règles du code mondial antidopage, qui impose une séparation inviolable entre les instances qui traitent du dopage dans un pays et son gouvernement.
« C’est donc ce ministère qui a fait savoir qu’il y aurait eu contamination à la trimétazidine. On aurait retrouvé ledit médicament disséminé dans les épices et les hottes aspirantes de la cuisine [de l’hôtel], ce qui aurait contaminé les nageurs, explique l’ancien dirigeant. Pour accorder foi à cette hypothèse, il faut faire confiance à ce ministère, qui a fait savoir qu’il ne rendrait jamais publiques les pièces de son enquête. »
Niveau transparence, on a donc déjà vu mieux. Rémi Keller juge cette explication « très peu crédible », d’autant que la trimétazidine n’existe pas à l’état naturel, et qu’il aurait fallu qu’une personne la disperse un peu partout dans l’hôtel, « on ne sait pas pourquoi ni de quelle façon ».
Autre problème dans cette histoire, la violation des procédures par l’Agence chinoise antidopage, qui était tenue de notifier aux nageurs l’infraction qui pouvait leur être reprochée. Elle ne les a pas suspendus de manière provisoire, alors que là encore le code mondial l’impose quand on parle de ce genre de substances, quitte à lever cette sanction ensuite si les athlètes n’ont pas commis de faute. Or, la Chinada n’a ni notifié, ni entendu, ni suspendu provisoirement les nageurs.
« Un scandale au carré »
Rémi Keller s’alarme du fait que l’Agence mondiale antidopage ait menti en indiquant qu’une suspension provisoire n’était pas obligatoire – « de la part d’une agence qui se veut la gardienne vigilante des règles, c’est très inquiétant » – et n’ait rien dit au moment de la révélation de cette affaire.
« Comme le montre le rapport Cottier, elle a d’abord tenté de les dissimuler, puis elle a minimisé l’affaire et enfin accrédité sans preuve la thèse des autorités chinoises, liste Keller. Au sein même de l’AMA, certains dirigeants ont exprimé leurs doutes sur la réalité de cette contamination. C’est un scandale au carré. »
L’ancien dirigeant de l’AFLD n’est pas le seul à pointer la responsabilité de l’AMA dans cette affaire. Comme nous , l’Agence américaine antidopage (Usada) l’accuse depuis plusieurs mois d’avoir étouffé l’affaire et plus globalement de ne jamais agir en toute transparence.
Contactée par L’Equipe, l’AMA assure de son côté que « les cas ont été examinés minutieusement d’un point de vue juridique et scientifique, avec toute la diligence et le scepticisme voulus. Et malgré notre scepticisme, tous les faits vérifiables de l’affaire n’ont révélé aucune preuve permettant de remettre en cause le scénario de contamination présenté par les sportifs. »