De l’omerta sur les violences sexuelles au grand ménage, la Fédé de judo a-t-elle fait sa révolution ?SportuneBébés et MamansMinutes Maison

C’est l’embouteillage sur le front des fédérations sportives françaises qui, en cette fin d’année 2024, vont passer une à une (ou presque) au tamis des élections. Après la fédé d’escrime, qui aura vu l’emporter la liste d’opposition à l’ancien président Bruno Gares, accusé de mauvaise gestion et soupçonné de détournements de fonds, comme nous l’avions révélé , c’est au tour du judo de s’y coller.

Un an après la remise du rapport de sur les défaillances des fédérations sportives, c’est rien de dire que la troisième fédé du pays avec ses 530.000 licenciés n’a pas été épargnée par les critiques sur sa gestion catastrophique des affaires de violences sexuelles et sexistes.

Les parlementaires avaient ainsi mis en lumière « une forme d’omerta systémique au sein de la fédération » et « une tendance à tous les échelons […], et jusqu’en 2020, à ne pas vouloir traiter les affaires de violences sexuelles ». Mais à la différence de ce que l’on a pu constater dans d’autres fédés, la FFJDA semble ne pas avoir attendu les conclusions de cette enquête d’une ampleur inédite pour faire le ménage dans la maison.

Une prise de conscience suivie d’effets

Il est vrai que les griefs à l’égard de cette fédé dataient dans l’ancienne équipe en place, celle de Jean-Luc Rougé, président de la FFJDA de 2005 à 2020, lequel n’a pas manqué lors de son audition de surprendre les députés en arrivant et les mains dans les poches, semblant alors découvrir l’ampleur du problème.

A l’inverse, son successeur, l’actuel président Stéphane Nomis, fut l’un des rares présidents de fédé à se montrer aussi sensible face aux travaux de la commission. « Tout le monde a pu constater que cette séquence m’a beaucoup touché », nous confirme-t-il aujourd’hui. Le jour de son audition, celui-ci n’avait pas manqué de « remercier » la commission dont le travail allait permettre d’ « identifier les problèmes et contribuer à impulser les régulations nécessaires. »

Il avait, et c’est un fait assez rare pour le souligner, tenu à « demander pardon, au nom de la Fédération, à toutes les personnes qui ont été victimes de violences dans nos clubs et dans nos structures ». « Le mal qui leur a été fait, alors que nous aurions dû les protéger, restera une ombre qu’aucune médaille ne saurait dissiper », avait-il conclu.

Epinglée dans un rapport de l’Inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche (IGESR) commandité dès 2020 par l’ancienne ministre des Sports Roxana Maracineanu, la FFJDA a décidé de sortir la poussière de afin de traiter chaque cas de violences sexuelles et sexistes avec la plus grande fermeté, en obligeant notamment chaque club, chaque dirigeant ou cadre technique à suivre une formation sur le sujet.

Une initiative que salue Frank Opitz, le président de la Ligue Occitanie de qui se présente cette année contre Stéphane Nomis. « On a longtemps préféré régler (ou ne pas régler) ce type d’affaires en famille afin de ne pas salir nos disciplines aux yeux du grand public. Sauf que quand on reste dans cet entre-soi, rien ne bouge, note-t-il. La gouvernance actuelle a également décidé de mettre en place une plateforme d’écoute aux victimes et on ne peut que saluer cette initiative. Il faut poursuivre ce travail car il n’est plus possible de tolérer la présence de prédateurs, mais aussi d’anciennes méthodes d’entraînement à la dure qui n’ont plus de raison d’être aujourd’hui. »

Une formation contre les VSS qui fait grincer des dents

Reste que la formation en question fait grincer quelques dents puisqu’elle est à la fois obligatoire et payante. Ce que ne digère pas ce président de comité qui, élections obligent, préfère garder l’anonymat : « Faire payer ça, je trouve ça scandaleux, se désole-t-il. Pour moi, il est honteux de vouloir faire du fric sur un sujet d’une telle gravité, ça devrait être gratuit pour tous et certainement pas une source de revenus pour la fédération. »

« Ce sujet est trop important pour qu’on fasse de la rentabilité sur son dos, je trouve même cela assez malsain au final. Ce module de formation étant financé par l’ANS, nous rendrons cette formation gratuite pour tout le monde », promet de son côté Frank Opitz. « Nous ne pouvons pas proposer de plus en plus de services à nos membres et le faire sans se soucier de la santé financière de notre Fédération », lui rétorque l’équipe en place.

L’argent et la manière dont il est utilisé, voilà peut-être le point d’achoppement entre les deux candidats à la présidence de la FFJDA. Du côté de Frank Opitz, on dénonce notamment une « vision très entrepreneuriale de la gestion de la fédération et de ses finances ».

« « Le club n’est ni un client ni une franchise commerciale et, si nous sommes élus, nous ne recherchons pas, comme le fait le camp d’en face, la rentabilité à tout prix. L’argent est un moyen et non une finalité. On doit rester sur un modèle associatif, certes modernisé, et non un modèle commercial. Je ne veux pas être la fédération la plus riche de France, je souhaite que nos clubs aient les moyens de fonctionner au quotidien. » »

Stéphane Nomis lui répond en lui présentant son bilan : « Nous avons fait beaucoup de chemin, rempli la quasi-totalité des objectifs annoncés, redressé les comptes de la Fédération, augmenté le budget, retrouvé tous nos licenciés après le COVID, développé le plan 1.000 dojos, lutté contre les violences. Nous avons encore des chantiers en cours, et de quoi faire avancer le judo. Nous savons ce que nous avons fait de bien et de moins bien. »

Plus de démocratie après les élections ?

Enfin, dans son rapport, la commission d’enquête parlementaire avait pointé du doigt un problème de gouvernance qui, pour le coup, est propre à toutes les fédérations. C’est précisément ce que la liste d’opposition « Unis pour le judo ! » souhaite révolutionner.

« On doit faire mûrir notre modèle démocratique, notre fédération doit être beaucoup plus juste et transparente, c’est la raison pour laquelle nous souhaitons mettre en place une dose d’opposition dans le conseil d’administration, assure Opitz. Je crois qu’il ne faut pas avoir peur du débat, il faut remettre le système sous tension, ça permet d’éviter les dérives ou les conflits d’intérêts potentiels. »

A ce titre, il se propose de donner la présidence de la commission des finances à l’équipe perdante, comme c’est le cas en politique. Cela fait partie de 62 recommandations édictées par la commission parlementaire qui notait que, jusqu’ici, « les garde-fous contre les dérives financières et les atteintes à la probité apparaissent notoirement insuffisants ». Sans nous donner plus de détails, le président de la FFJDA nous assure lui aussi que ce sujet « fera partie des évolutions que nous proposerons lors du mandat à venir. »

Contactée par 20 Minutes, la rapporteure de la commission et député EELV Sabrina Sebaihi regrettait que ses travaux aient été si mal accueillis au sein des fédés. Elle a peut-être trouvé dans la FFJDA un allié de poids sur lequel pourraient s’appuyer les autres disciplines pour impulser le choc démocratique nécessaire à la bonne marche du sport dans notre pays.

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