« C’est la première fois que je voyais un portable »…On vous raconte la venue de l’Inter Milan au Roudourou en 1996SportuneBébés et MamansMinutes Maison
Les Côtes-d’Armor, terre de Légendes et pas que dans les contes pour enfants. Alors que le stade du Roudourou de Guingamp s’apprête à accueillir le match de entre le et le Bayer Leverkusen, champion d’Allemagne en titre, pas sûr que les habitants du coin ne s’émeuvent de cette venue. Car la ville de Guingamp n’a pas attendu que son meilleur ennemi se qualifie en C1 et squatte son enceinte pour voir du beau linge débouler sur ses terres.
En effet, avant que le grand Real de Vinicius, Bellingham et Mbappé ne vienne voir quel temps il fait en Bretagne (ce sera le 29 janvier prochain), il y a vingt-huit ans, un autre grand d’Europe avait déjà fait le voyage. Nous sommes alors le 10 septembre 1996, à une époque où le foot sentait bon les maillots bouffants et les chaussures Adidas Copa Mundial, le grand Inter de Roy Hodgson .
Auteur d’un parcours incroyable en Intertoto qui l’aura emmené de la Finlande à la Russie en passant par la Géorgie, le club, qui était encore en National deux ans auparavant, entre de plain-pied dans la cour des grands. Si , le seul, le vrai, l’unique, les dents, n’arrivera que la saison suivante à San Siro, l’équipe compte quand même dans ses rangs des joueurs comme Ivan Zamorano, Youri Djorkaeff, Javier Zanetti ou Gianluca Pagliuca.
Une bande de potes contre une machine de guerre
Attaquant guingampais de l’époque, Lionel Rouxel évoque d’emblée « un rendez-vous incroyable et un souvenir inoubliable ». « On était une bande de gamins formés au club qui avaient grandi ensemble, qui se connaissaient par cœur et qui prenaient du plaisir à vivre ensemble, détaille l’actuel coach des U18 de l’équipe de France. Pour nous c’était le summum de notre progression, la consécration, même s’il y a eu de belles choses après. Jouer l’Inter, chez nous, en Coupe d’Europe, c’était quelque chose d’inimaginable pour des gars du coin. » A cette époque-là, Christophe Gautier n’est pas encore le directeur de la communication d’EAG mais un supporter proche du club qui a eu la chance d’obtenir un billet grâce au capitaine de l’époque, le jeune Coco Michel, légende vivante des Rouge et Noir.
Il s’en souvient comme si c’était hier : « A cette époque, Guingamp, ça ne faisait pas rêver grand monde, même les remplaçants des remplaçants des autres équipes ne voulaient pas venir jouer chez nous. Et au final on se retrouve à jouer ! C’est un peu comme une équipe amateur qui va loin en Coupe de France et qui tombe sur le PSG ou l’OM au tirage au sort. Voir les Zamorano, Pagliuca, Djorkaeff à Roudourou, c’était dingue. Et en plus tu te retrouves avec un duo de commentateurs Thierry Gilardi - Michel Platini et là tu comprends que ce n’est pas normal ce que t’es en train de vivre. »
Pour bien comprendre les galaxies qui séparent les deux clubs, il faut s’imaginer que le stade du Roudourou à l’époque ne ressemblait en rien à l’enceinte moderne de 18.000 places qui trône aujourd’hui en reine au nord-ouest de la bourgade. A l’époque, les deux tribunes derrière les buts n’existent pas et c’est sur un promontoire en terre que les supporters - les jeunes, pour la plupart, car c’est là que les billets étaient les moins cher - assistent aux rencontres de leur équipe.
« C’était folklorique, rigole aujourd’hui Stéphane Carnot, autre légende de l’En Avant et numéro 10 de l’époque. Le club était en National deux ans plus tôt, tout est arrivé très vite pour nous. Forcément, au niveau des infrastructures, ça n’avait pas évolué à la même vitesse. On avait un stade champêtre mais on aurait eu un stade de 30.000 places, je pense qu’on le remplissait de la même manière. Les billets étaient partis en quelques minutes. »
Didot, les talkies-walkies et l’armada italienne
Parmi les 7.000 chanceux, un petit garçon du coin nommé Etienne Didot, qui portera vingt ans plus tard le maillot Guingampais, et qui réussira ce jour-là à convaincre son père de lui faire manquer une sortie scolaire pour assister au match. Christophe Gautier nous raconte : « Yvon, le père d’Etienne, tenait le bar “Les copains d’abord” à Paimpol, où Georges Brassens avait l’habitude de venir et, un jour, un mec arrive, c’était Nestor Combin, l’ancien avant-centre de l’équipe de France, de la Juve et du Milan AC. Il lui a proposé d’emmener Etienne avec lui. A la fin du match ils ont été dans le vestiaire de l’Inter et il a reçu un maillot. La folie pour le môme ! »
Vingt-six ans plus tard, en ce qui le concerne, cette fois, l’attaché de presse d’EAG se souvient encore de faire les gros yeux en voyant débouler une telle armada européenne sur ses terres. Avec son lot de gadgets de millionnaires : « C’était la première fois de ma vie que je voyais un téléphone portable ! J’en avais déjà vu à la télé, mais jamais en vrai. J’étais impressionné en voyant les Italiens, super costards, avec leurs téléphones portables, c’était limite de talkie-walkie avec la grande antenne.
« Ce qui m’avait frappé, c’étaient les moyens mis en œuvre pour l’époque pour mettre les joueurs dans les meilleures conditions. Quand l’Inter débarque à Guingamp, avec un staff hyper complet, ça ne passe pas inaperçu, rembobine Lionel Rouxel. Ça nous faisait bizarre de voir autant de monde pour accompagner une équipe. Ça montrait tout le chemin qui nous restait à parcourir afin de monter en gammes. » Sur le terrain, en revanche, la différence de niveau ne saute pas aux yeux. Mieux, les Guingampais vont livrer un récital collectif lors de la première période mais ils se casseront les dents sur l’immense Pagliuca (et son poteau).
Interrogé il y a quelques années, le défenseur Jérôme Foulon aura cette phrase fabuleuse : « C’est peut-être fou de dire ça, mais j’ai le souvenir qu’on s’est baladé ». « On avait joué comme on savait le faire, en équipe, sans se préoccuper des noms qu’il y avait en face, confirme Carnot, aujourd’hui chef du recrutement de l’EAG. On s’était créé un nombre incroyable d’occasions mais on n’avait pas réussi à marquer. Et une fois qu’on se retrouve à dix après l’exclusion de Marek Jozwiak, là c’était terminé. »
A l’arrivée, le réalisme italien ramène les Guingampais à leur dur apprentissage du haut niveau, 3-0, merci, kenavo. Présent au Roudourou pour l’occasion, le futur sélectionneur des Bleus Aimé Jacquet dira dans les colonnes de L’Equipe que « l’En Avant méritait cent fois d’en mettre un au fond ». Roy Hodgson, le coach anglais de l’Inter, ira plus loin en conférence de presse en déclarant que « si Guingamp vient nous battre 4-0 à San Siro, je n’oserai sans doute pas me présenter devant vous ». A l’arrivée, au retour, dans une cathédrale de San Siro quasi vide (6.000 spectateurs), les hommes de Francis Smerecki arracheront un honorable match nul 1-1. Un score sur lequel ne cracheraient pas les Brestois face au Bayer du maître Xabi Alonso.