Jeux paralympiques 2024 : Pourquoi les équipes de sport co' sont-elles autant « à la ramasse » ?SportuneBébés et MamansMinutes Maison
Jeudi, les Bleus du cécifoot ont gagné le droit d’enflammer à nouveau le plus beau stade du monde, au pied de la tour Eiffel, pour un moment d'histoire, leur première demi-finale paralympique, contre la Colombie. Mais nos héros aux yeux bandés font figure d’arbres qui cachent la forêt des lacunes françaises en para sports collectifs.
Outre l’élimination des basketteurs, après quatre défaites en autant de matchs, malgré des prestations abouties notamment contre l’Allemagne, les Bleus et Bleues du goalball n’ont jamais connu la victoire, pas plus que les équipes de France de volley assis. Et le rugby fauteuil, malgré ses ambitions de médailles, n’a pas passé le cut du haut niveau lui non plus. Les cas sont évidemment tous différents, les contextes et les dynamiques aussi, il n’empêche, dans un pays habitué à rouler des mécaniques quand il s’agit des équipes de France de sports co, on l’a encore vu aux JO, le bilan fait un peu mauvais genre.
Les volleyeuses assises, les « Rasta Rocket » de ces Jeux
Comment expliquer qu’en l’espace de sept ans - date à laquelle Paris a obtenu l’organisation des Jeux - on n’ait pas réussi à poser les bases d’une véritable politique sportive afin, non pas de briller, mais au moins de bien figurer aux yeux du monde ? Et est-ce bien sérieux de jeter dans la fosse aux lions des joueuses de volley assis qui, pour certaines, pour ne pas dire la plupart, n’avaient ?
« Je suis la seule qui comprend quand l’entraîneur parle volley, c’est pour ça qu’on m’a donné le brassard », racontait le plus sérieusement du monde , la capitaine de l’équipe, à nos confrères du Parisien. Interrogée après l’ultime défaite de ses joueuses, mardi soir, contre la Chine, la coach Dominique Duvivier a conscience qu’elle ne pouvait pas faire de miracle avec une équipe qui se définit elle-même, et avec le sourire, comme les « Rasta Rocket du volley assis ».
« Ça fait vraiment cinq ans qu’on a lancé le programme pour 2024 et qu’on a fait des regroupements réguliers, qu’on a développés des clubs, des structures », détaille-t-elle. Cinq ans, trop peu pour impulser une dynamique professionnelle dans un pays qui compte à peine plus de 300 licenciés. Même pas de quoi bâtir un effectif complet puisque les Bleues sont neuf alors qu’elles pourraient être douze. Mais deux joueuses, dont la capitaine de l’époque, ont été déclassifiées par une commission avant le début des Jeux. « C’est beaucoup, en proportion, pour nous, assure Duvivier. »
Impossible dès lors d’espérer autre chose qu’une aventure purement ludique à Paris. Au goal ball, la problématique est à peu près la même. Ce sport n’existe que depuis très peu d’années et les clubs sont loin de fourmiller sur le territoire. Dès lors, ces Jeux faisaient plus office de découverte grandeur nature qu’autre chose. Mais même en basket fauteuil, discipline plus développée en France avec pas loin de 70 clubs sur tout le territoire, ou en rugby fauteuil, on a senti le gap qui nous séparait des toutes meilleures nations mondiales.
L’argent ne fait pas le bonheur, mais…
Pour Michel Terrefond, le directeur sportif du rugby fauteuil, pas besoin d’aller bien loin pour comprendre le nœud du problème. « Les sports co ne sont pas la priorité de la fédération de handisport ni de l’ANS, disons les choses clairement. Ce qu’on veut, c’est terminer le plus haut possible au classement des médailles, or les sports co, contrairement à la natation, au cyclisme ou à l’athlétisme, ne rapportent qu’une seule médaille par équipe. Partant de là, avec ce genre de réflexion, on sera toujours à la ramasse. »
Croisé à la cool, dans la rue, après l’élimination de son équipe face aux injouables basketteurs en fauteuil de la team USA, Kévin Bornerand, l’entraîneur des Bleus, admet lui aussi que tout est une question de moyen.
« Les grosses nations comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne ont des plans de formation avec un budget quasi illimité. L’Espagne est pro, l’Allemagne est pro, ça veut dire que leurs clubs le sont, certaines équipes sont sponsorisées par de grandes entreprises, décrypte-t-il. Nous, on en est loin. On a une Fédération, la FFH, que je remercie, qui nous a donné les moyens de s’entraîner, de faire des tournois pour se qualifier, mais on ne boxe pas dans la même catégorie malgré tout. »
Faut-il quitter le giron de la Fédé de handisport ?
Directeur des sports du Comité paralympique et sportif français (CPSF), Jean Minier aurait plutôt tendance à voir le verre à moitié plein. « Le bilan n’est pas exceptionnel mais il n’est pas catastrophique non plus, juge-t-il. Les équipes de et de volley assis se sont bien battues, je trouve. Elles ne sont même pas au plus haut niveau sur la scène européenne, ce sont des équipes en phase de construction et qui se sont vraiment structurées dans la perspective de ces Jeux. Mais c’est compliqué de construire des équipes performantes en si peu de temps. »
Pour lui, le problème vient du fait que les clubs des sports concernés n’offrent pas « de bonnes structures d’entraînement au quotidien aux parathlètes ». « Comme on ne peut pas s’appuyer sur la formation dans ces clubs-là au quotidien, il faut regrouper les athlètes très régulièrement sur des stages en équipe de France, sur des tournois internationaux, or c’est extrêmement coûteux », poursuit-il.
En gérant pas moins de onze sports sur les vingt-deux engagés dans ces Jeux paralympiques, la Fédération française de handisport serait dépassée selon Michel Terrefond. « On ne peut pas faire du haut niveau avec autant de para sports au sein d’une seule et même Fédération qui doit tout gérer », explique-t-il. Contactée, la FFH n’a pas donné suite à nos demandes.
Certains, comme Michel Terrefond, penchent dès lors pour une sortie de la FFH et une intégration des sports qui le souhaitent dans les fédérations mères. C’est le cas par exemple pour le volley assis, désormais dans le giron de la FFV. « On pourrait être intégré à la Fédé de rugby, on ne leur coûtera pas plus cher qu’on ne coûte à la fédé de handisport, assure-t-il. Elle à des partenaires commerciaux qui font du RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et qui mettront un peu plus d’argent. Car si ce n’est pas l’argent qui fait les médailles, il y contribue grandement. »
Un appel d’air nommé Jeux paralympiques ?
Mais sans licenciés, et sans clubs capables d’accueillir les personnes en situation de handicap, vous aurez beau avoir tout l’argent du monde, rien n’y fera. En ce sens, les Jeux paralympiques en France doivent impulser un mouvement, un « appel d’air » comme le dit Laurent Thirionet, coach de l’équipe de France de cyclisme, qui compte beaucoup sur les résultats de ses athlètes pour attirer de nouveaux licenciés. Sauf qu’un sport n’est jamais plus attractif que lorsqu’il ramène des résultats. Or, vu ceux des équipes de sports co cet été, pas sûr que les jeunes aient envie de passer le cap. C’est le serpent qui se mord la queue.
Reste que les résultats ne font pas tout. En cela, et de basket fauteuil, de volley assis ou de goal ball, pourrait donner un peu d’espoir à celles et ceux qui aimeraient, à l’avenir, faire mieux que de la figuration joyeuse lors des prochaines paralympiades de Los Angeles. C’est le vœu que fait Dominique Duvivier.
« « On espère bénéficier de toute l’exposition que nous ont apportée ces Jeux et attirer de nouvelles pratiquantes, et notamment de jeunes pratiquantes, parce qu’elles seront l’avenir, forcément. On a des structures qui se sont développées depuis quelques mois, on espère en avoir plus. Il faut qu’on avance et que cet événement nous permette de nous développer sur le territoire. » »
Se servir des Jeux à la maison comme d’un tremplin et non pas comme une fin en soi, en espérant que les moyens mis à la disposition des clubs et des collectivités suivent. Ce serait alors la meilleure façon de montrer que l’héritage des Jeux 2024 n’est pas qu’un simple slogan marketing mais une réalité sociétale. Il est toujours permis de rêver, après tout.